Le Centre national du costume de scène est un musée de France ouvert il y a 10 ans à Moulins (Allier) dans une ancienne caserne qui abritait un régiment de cavalerie. Il conserve 10 000 costumes provenant de productions lyriques, ballets, spectacles de théâtre ou cirque. Entre mode et représentation, entre ombre et lumière, le costume de scène requiert des savoir-faire spécifiques et des compétences souvent artisanales, relevant à la fois de la création textile et des arts plastiques.
Si les plus vieux costumes conservés au CNCS sont des habits de cour datant de la fin du 18e siècle donnés ou rachetés par la Comédie française et réutilisés après modifications par les comédiens jusqu’aux années 60, le metteur en scène travaille généralement avec un costumier qui imaginera et créera des vêtements faits pour être portés, sans contraintes, par des interprètes, chanteurs, danseurs, comédiens et qui seront vus du public dans une esthétique donnée.
Barockissimo [ les Arts Florissants en scène ] est l’exposition proposée à l’occasion du 10e anniversaire du CNCS.
Cent cinquante costumes des productions des Arts Florissants, l’ensemble musical dirigé et créé en 1979 par William Christie qui a permis la redécouverte et le renouveau de la musique baroque (de Monteverdi à Rameau, du début du 17e siècle jusqu’au milieu du 18e siècle), y sont présentés. (ci-dessous, le jeune roi soleil Louis XIV dans le ballet royal de la nuit. anonyme, 1653)
William Christie a travaillé avec de nombreux metteurs en scène, décorateurs, costumiers qui ont tous une vision personnelle et particulière du spectacle baroque et de sa représentation. Si le metteur en scène Jean-Marie Villégier et le costumier Patrice Cauchetier choississent des costumes d’époque pour Atys de Lully ( Opéra-comique, 1987) ou Hippolyte et Aricie de Rameau (ONP, 1996), d’autres installent l’oeuvre dans une ambiance contemporaine et Jupiter a soudain les traits de Karl Lagerfeld dans le Platée de Rameau (Opéra-comique, 2014) monté par Robert Carsen avec les costumes de Gideon Davey.
A chaque fois, les costumiers de spectacle sont mis à contribution pour servir l’oeuvre dans l’esthétique choisie par le chef d’orchestre et le metteur en scène afin qu’il soit donné à voir à un public éloigné de la scène.
Les costumes racontent l’histoire, précise Martine Kahane, présidente des Arts Florissants et commissaire de l’exposition, devant la robe rouge de la magicienne d’Armide de Lully, mise en scène Robert Carsen, costumes Gideon Davey (Théâtre des Champs-Elysées, 2008).
Le travail des costumiers consiste à imaginer, maquetter et réaliser des costumes en faisant appel à des spécialistes : teinturiers, perruquiers, dentelliers, plumassiers, cordonniers ou encore plasticiens, soudeurs ou peintres. Une spécialiste de la teinture végétale a ainsi été mise à contribution pour teinter des collants dans une harmonie de couleurs sourdes sous la houlette du costumier Alain Blanchot pour la production de Rameau, Maître à danser, mise en scène Sophie Daneman ( Théâtre de Caen, 2014).
Artisan, costumier, couturier, ce même Alain Blanchot avait du se résoudre à faire faire par un atelier les 150 costumes de sa première grosse production, Il Sant’Alessio de Stefano Landi, mise en scène Benjamin Lazar (théâtre de Caen, 2007), mais il n’avait pu s’empêcher de broder lui-même la cape de l’ange et de coudre les perles et les paillettes de la robe du personnage de la religion. Dans cette oeuvre, la problématique était de costumer les hommes en femmes sans les déguiser, car le spectacle était présenté uniquement, comme à sa création en 1632, avec des chanteurs hommes. L’idée a été trouvée de mettre les corps en boîtes et de couvrir leurs épaules.
Le costume de scène est un art touchant à la fois le domaine du faux et celui du beau. Certes le costume semblera vrai. Et l’habileté du couturier est telle qu’il peut immédiatement s’adapter aux mensurations d’un interprète et draper la toge de Titus directement sur le chanteur pour le rendre majestueux. Il n’est d’ailleurs pas rare que le metteur en scène fasse appel à un grand couturier pour les costumes, comme Christian Lacroix appelé sur des « mises en espaces » de Vincent Boussard pour l’Actéon de Marc-Antoine Charpentier ou le Didon et Enée de Purcell (Théâtre des Champs-Elysées, 2001).
Mais de près, on aperçoit la belle imposture : ajout de matières plastiques ou de feuilles d’or à la fibre textile, usure délibérée d’un jupon, aimant sur le côté permettant l’ouverture facile d’un corset pour un changement de costume rapide entre deux actes, etc.
L’exposition se termine par les Indes galantes, une oeuvre de Rameau, mise en scène Andrei Serban, costumes Marina Draghici, (ONP, 1999) symbolique de la fête galante sous Louis XIV et qui propose en 4 tableaux une débauche de couleurs et de matières, de masques et de costumes ethniques des Incas du Pérou au royaume des fleurs en associant tous les artistes et toutes les techniques des arts du spectacle : création textile, papier mâché, sculpture, arts plastiques et décoratifs. Le final flamboyant d’une magnifique exposition à ne surtout pas louper !
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Vidéo d’ouverture : Les Indes galantes – Rameau – Les Sauvages (extrait) // Les Arts Florissants
En savoir +
- Exposition Barockissimo
Du 9 avril au 18 septembre 2016 - La page de l’exposition
- Le site du CNCS
- CNCS
Quartier Villars
Route de Montilly
03000 Moulins
Tél. 04 70 20 76 20 - Le site des Arts Florissants